La Vinification du vin

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La vinification une origine millénaire

L’art de la vinification remonte à la plus haute antiquité. C’était à l’origine une pratique extrêmement simple puisqu’on utilisait la fermentation spontanée du raisin foulé qu’il suffisait d’abandonner à lui-même quelques semaines. Dans ces conditions le breuvage obtenu avait rarement toutes les qualités attendues et la littérature gréco-latine révèle d’innombrables recettes à base de plantes aromatiques ou de toutes sortes d’ingrédients étranges destinés à améliorer le goût, la teneur en alcool, la couleur ou la conservation des vins.

Quelques innovations marquantes ont transformé cet artisanat au cours des siècles. La première fut sans doute l’utilisation des tonneaux, inventés par les celtes pour le transport de la bière, à la place des amphores. S’étendant peu à peu dans les premiers siècles de notre ère, elle favorisa une expansion du commerce du vin notamment par voie maritime.

D’une marchandise périssable à la conservation des vins

Malgré le développement des moyens de transport, le vin restera jusqu’au XVIIIème siècle, une marchandise périssable, devant être bu dans l’année de sa production. La révolution viendra de marchands hollandais qui introduiront de façon totalement empirique l’usage du mèchage pour la conservation des vins. Il s’agit de composés soufrés que l’on brûle dans les fûts. Cette combustion dégage de l’anhydride sulfureux, puissant antiseptique et anti-oxydant, encore utilisé de nos jours. Cette pratique ouvrit dès lors la voie à une conservation des vins qui le méritaient sur une longue période, les vins de garde étaient nés et allaient rapidement s’imposer comme l’élite des vins de qualité.

De la clarification des vin au collage

Introduite également au XVIIIème siècle, la clarification des vins rouges par le blanc d’oeuf est encore pratiquée aujourd’hui. Cette opération se nomme le « collage » des vins et doit son efficacité à un mécanisme chimique complexe qui conduit au dépôt d’éléments colloïdaux en suspension : la floculation.

La chaptalisation pour rehausser le degré alcoolique

Citons enfin le procédé de chaptalisation, du nom de son inventeur le comte Chaptal, permettant de rehausser le degré alcoolique par ajout de sucre blanc. Cette technique remplaça avantageusement les procédés antérieurs de sucrage par le miel ou la mélasse, qui altéraient notablement le goût des vins. Nous sommes déjà à l’aube du XIXème siècle qui verra la fin de l’empirisme et la rationalisation progressive de l’ensemble des étapes de la vinification.

De Pasteur à la Vinification du vin

On doit à Pasteur la compréhension de la vie microbienne qui sous-tend l’alchimie du vin. Ses travaux, menés de 1863 à 1892, décrivent les principales transformations et les altérations possibles toutes dues à l’activité des micro-organismes, levures ou bactéries. Il y propose des remèdes et des méthodes fiables de vinification et de conservation.

La maîtrise des procédés de vinification


Le début du XXème siècle n’apportera aucune innovation majeure mais verra se généraliser la maîtrise des procédés de vinification par des techniques précises et scientifiquement validées. Avant d’envisager les développements technologiques de pointe les plus récents, voici une synthèse rapide de la chaîne de vinification telle qu’elle est aujourd’hui couramment mise en oeuvre pour les vins rouges de garde.

La vinification contemporaine des vins de garde


Dans la production de vins de qualité, les raisins issus de chaque cépage ou de vignes d’âges différents sont vinifiés séparément.

L’égrappage et le foulage

Ces deux opérations sont effectuées dès la réception de vendanges. L’égrappage supprime la rafle, c’est-à-dire la partie ligneuse de la grappe de raisin (tiges et bois), afin de diminuer l’astringence du vin. Le foulage éclate les grains et libère le jus.

Les fermentations du vin

La fermentation alcoolique a lieu dans des cuves fermées, en bois, en inox ou en ciment à une température proche de 30°. Elle s’accompagne de nombreux remontages : cette opération a pour but d’aérer les levures et d’améliorer l’extraction de couleur. La partie inférieure du moût est soutirée, puis reversée en haut de la cuve où sont concentrées les matières solides aromatiques et colorantes.


Un sulfitage modéré (addition d’anhydride sulfureux) a pour effet de sélectionner les levures, de détruire certaines bactéries nocives, et d’éviter une oxydation excessive.
La durée de cuvaison est fonction de la qualité des raisins, de leur état de maturité et du type de vin recherché (elle est la plus longue pour les vins de garde).


Huit à vingt jours après la mise en fermentation, l’écoulage consiste à recueillir le vin clair, qui constitue le vin de goutte. Le marc restant au fond de la cuve est ensuite pressuré, pour donner le « vin de presse ». Ce dernier, plus riche en tanins et en matières colorantes sera dosé dans l’assemblage pour obtenir la robe finale.


Le vin subit ensuite sa dernière transformation, indispensable : la fermentation malolactique, une désacidification naturelle qui lui fait perdre le caractère acide qu’il doit à l’acide malique. La transformation de l’acide malique en acide lactique est opérée par une bactérie.


Un sulfitage plus important élimine ensuite la plupart des micro-organismes et stabilise le vin.

L’élevage du vin en cuves ou barriques

L’élevage est la phase pendant laquelle le vin, logé en cuves ou en barriques de chêne, va se clarifier et acquérir une certaine maturité à la suite de différentes transformations biochimiques.

Dès les fermentations terminées, on procède au premier soutirage : ceci consiste simplement à faire passer le vin d’un contenant à un autre, afin de le débarrasser de ses lies. Au cours de l’élevage du vin, on renouvellera fréquemment cette opération en alternance avec des périodes au cours desquelles on laissera le vin parfaitement inerte pour favoriser le dépôt des lies. Les soutirages favorisent en outre une oxydation progressive du vin qui constitue le principal facteur de sa bonne maturation.


Cette phase de clarification par sédimentation est généralement complétée par un collage : l’adjonction d’une substance colloïdale (comme le traditionnel blanc d’oeuf) favorise la précipitation des particules encore en suspension.

L’assemblage du vin

C’est le « mélange », dans des proportions déterminées, selon le caractère que l’on souhaite obtenir, de différentes cuves après vinification : vin de presse et vin de goutte, de vignes d’âges différents et de vins issus de cépages différents. Dans le bordelais, par exemple, on utilise le Cabernet Sauvignon, le Cabernet franc, et le Merlot. Alors que ce dernier donne un vin à évolution plus rapide, consommable plus tôt, le Cabernet Sauvignon produit des cuvées de maturité plus tardive. Privilégier l’un ou l’autre cépage influence directement la longévité du vin.


Enfin, la mise en bouteilles clôt le processus d’élevage. Le vin est ensuite conservé en cave pour son vieillissement en bouteille, où il achèvera son lent mûrissement.

Les dernières avancées technologiques dans la vinification des vins

Les évolutions technologiques de ces dernières années visent à fiabiliser le processus de production et à améliorer la qualité dans les années difficiles.

En premier lieu, on assiste depuis plus de dix ans, à la généralisation des systèmes de contrôle de température cuve par cuve, pour la vinification voire pour l’élevage. Ceci permet une parfaite maîtrise des temps de macération et une qualité optimale des fermentations. Il ne s’agit pas vraiment d’une innovation mais d’un investissement (généralement assez lourd) dans une démarche d’accroissement de la qualité.

Depuis des millénaires, on procède à l’adjonction de levures étrangères (levure de bière par exemple) pour renforcer les levures indigènes lorsque celles-ci ne suffisent pas à enclencher rapidement la fermentation alcoolique. En revanche le métabolisme des bactéries responsables de la fermentation malolactique est encore l’objet de recherches actives. L’ensemencement par des souches de culture pour déclencher une fermentation malolactique qui se fait trop attendre n’est réellement au point que depuis quelques années. Ceci revêt une importance considérable, car tant que cette seconde fermentation n’est pas complète, il est impossible de stabiliser définitivement le vin par sulfitage. On risque alors de voir se développer d’autres populations de micro-organismes nocifs, notamment de bactéries responsables de la piqûre acétique (qui fait tourner au vinaigre) ou de levures altérant les qualités aromatiques.

Enfin, si la chaîne de vinification est désormais bien maîtrisée, le vigneron est encore soumis aux caprices de la météo, élément déterminant durant la période des vendanges. Une vendange retardée par un été maussade, une pluie juste avant la récolte et les raisins se gorgent d’eau, les arômes sont dilués, le degré insuffisant : la qualité du millésime sera médiocre. C’est pour apporter une réponse à ce risque climatique que se sont considérablement développées les techniques d’amélioration de la vendange par concentration.

Jusque là le seul moyen dont on disposait était la saignée, pratique qui consiste à éliminer le premier jus moins concentré et éventuellement mêlé de l’eau de pluie présente sur la vendange. Différentes techniques de concentration par évaporation sous vide, à basse température ou par chauffage modéré ont été expérimentées avec un succès relatif. Toutefois on constate généralement une altération des moûts qui perdent certaines substances volatiles importantes sur le plan gustatif.

La technique la plus pointue est fondée sur l’osmose inverse qui parvient à réaliser sous pression une véritable séparation à l’échelle moléculaire : une membrane semi-perméable permet de n’extraire que de l’eau pure en retenant les corps dissous. Ce procédé, testé avec succès dans les chais de certains Grand Crus, nécessite évidemment des investissements considérables à la portée seulement de quelques domaines prestigieux.

Il serait impossible de clore ce volet sans faire allusion au développement spectaculaire de l’analyse chimique des vins : grâce notamment à la chromatographie, il a été possible d’identifier plus de 600 substances différentes dans la composition naturelle des vins. Parmi celles-ci plus de 200 sont présentes dans tous les types de vins mais à des concentrations variables en fonctions de tous les paramètres (type de vin, cépages, composition des sols, ensoleillement, pluviosité etc¸). La porte est donc ouverte pour une analyse complète, voire une reconnaissance automatique des différents crus et de leurs millésimes, ainsi qu’en sont capables quelques oenologues de renom. Comme dans d’autres domaines connexes, il ne s’agit bien sûr que d’une voie de recherche, et le chemin reste encore long avant qu’une machine n’égale le discernement et l’expérience de nos fines-gueules. Toutefois le véritable intérêt de ces recherches est sans doute de tendre vers un contrôle plus strict du respect des réglementations qui encadrent la fabrication du vin, au plus grand bénéfice du consommateur.

Vers l’ évolution de l’artisanat

L’attente du consommateur a changé et le vin représente de moins en moins une boisson du quotidien, mais bien plutôt un mets de qualité, réservé à des moments privilégiés.

Certains puristes regretteront les excès technologiques qui nivelleront (certes par le haut) la qualité des différents millésimes. Je pense pour ma part que le vigneron se doit aujourd’hui d’utiliser tous les outils à sa disposition pour satisfaire au mieux ses clients.

En revanche, il me semble que les acquis technologiques recentrent les préoccupation des producteurs sur les choix de fond orientés par des critères qualitatifs subjectifs. Le rôle de l’oenologue, autrefois auxiliaire technique, devient aujourd’hui prépondérant dans la conduite d’une exploitation. Il est le détenteur d’un art complexe consistant à faire exprimer à chaque terroir, à chaque domaine, son identité profonde, sa typicité. Il oriente tous les choix du producteur, de la sélection des cépages aux techniques les plus avancées d’élevage.

Ainsi la rationalisation de la vinification permet de répondre avec plus d’acuité tant à la demande de qualité qu’au désir d’authenticité. L’artisanat millénaire se mue en un art complexe dont les hommes du terroir, dans leur diversité, gardent la maîtrise. Ils se devaient pour cela d’intégrer harmonieusement les avancées technologiques